Rémi Sussan avait déjà
abordé cette question avec “Quand les auteurs de SF passent à la pratique”,
suggérant de possibles corrélations entre le pessimisme ou l’optimisme des
récits de science-fiction et nos lectures des progrès scientifiques.
Car, en effet, il s’agit de
lecture !
Des lecteurs sur la voie du transhumanisme…
Bien au-delà de ceux qui
font commerce des biens culturels et organisent la transition de l’édition
imprimée à l’édition numérique, au-delà même des TIC (technologies de
l’information et de la communication), ce qui est en train de se passer est que
les NBIC (nanotechnologies, biotechnologies, technologies de l’intelligence
artificielle et des sciences cognitives) excèdent les capacités de lecture de
notre espèce humaine.
L’horizon de nos lectures
est repoussé.
N’oublions pas que lire, ce
n’est pas forcément lire du texte sur du papier imprimé, ni même lire sur un
écran. Fondamentalement, la lecture est l’activité première de décodage de son
environnement par tout organisme vivant.
Mais aujourd’hui nous pouvons
nous doter de dispositifs de décodage exogènes.
Des sortes d’orthèses à
l’imaginaire (imaginaire que je considère comme une fonction locomotrice) pour des
lecteurs en voie de transhumanisme.
Aujourd’hui, quand nous
faisons une recherche sur le terme “lecteur”, nous avons une probabilité de
plus en plus élevée d’obtenir comme résultats, non plus des êtres humains
lisant, mais des machines à lire, c’est-à-dire à décoder des données
numériques.
Je propose alors de
concevoir dans ce contexte le “lecteur-être humain” comme un poste de radio qui
serait en train de muter en téléviseur.
C’est un peu ce qui nous
arrive je crois.
Chercher le texte…
La manifestation
internationale de littérature numérique, Chercher le texte, qui se
déroule à Paris du 23 au 28 septembre 2013 pourra ainsi conduire (je l’espère)
ses visiteurs à l’écoute d’autres voix qui tissent les arts et la littérature
numériques au destin du livre et de la lecture, dans ses dimensions
prospectives, si l’on a suffisamment d’ouverture d’esprit pour considérer, par
exemple, Jorge Luis Borges comme un prospectiviste.
A la question de Rémi Sussan
je répondrais donc : oui.
Exercer son imaginaire à concevoir
des futurs souhaitables (c’est-à-dire évoquer) pourrait enrichir les pratiques
de veille stratégique et technologique et les exercices de scénarios d’avenir
fondés sur la détection des signaux faibles, l’observation des tendances, la
prévision de futurs plus ou moins probables et plus ou moins désirables.
Oui, les fictions peuvent
apporter des réponses.
Nous pouvons utiliser le
roman pour penser (pour Michel Onfray c’est ainsi qu’Albert Camus bâtit son
œuvre).
Dans la sensibilité
anglo-saxonne la bibliothérapie est reconnue comme peut l’être sur le continent
européen la musicothérapie.
Dans son roman El último lector, le romancier mexicain
David Toscana met en scène un personnage de bibliothécaire vraiment exemplaire,
en ce sens que c'est dans les livres, dans la littérature, dans la fiction,
qu'il cherche les clés de lecture du monde. Au 21e siècle ce personnage indique
la voie à suivre aux professionnels du livre.
Il faut, dans la perspective
d’un (nouvel) humanisme numérique, que la prospective se déploie dans le
respect de l’animal-lecteur que nous sommes (référence à Alberto Manguel) et de
ses nostalgies. En témoigne un autre récent texte intitulé : De la poussière sur les livres numériques
posté sur son blog par Virginie Clayssen. Indépendamment de son activité
aléatoire de blogueuse, l’auteure de ce beau texte est directrice de la stratégie
numérique du groupe Editis (ex Vivendi Universal Publishing), deuxième groupe
d'édition français. Comme quoi toutes les questions et les pistes de réponses
brassées dans ce post ont bien leur raison d’être. Qu’en pensez-vous ?